Bien que que ce soit très rarement dans ses habitudes, Lucas Di Leo – anciennement Louis Fontaine à NXT – a accepté de se confier à la rédaction de Catch au Quotidien pour parler de l’état actuel du circuit français, de sa carrière ainsi que de la WWE.
Lucas, tu te fais très rare sur les réseaux sociaux. As-tu suivi les événements récents, notamment le sublime Wrestlemania que nous avons vécu il y a quelques jours ?
“Oui, pour être honnête, les réseaux sociaux ne m’intéressent pas des masses. Il y a eu un moment où j’en ai eu marre d’avoir l’impression de devoir quémander de l’attention et/ou du respect auprès de l’internet. Au final, à part une minorité de gens qui nous suivent et nous ont déjà vu nous produire, le reste ne vaut pas la peine de perdre son temps. Je dis ça sans méchanceté aucune, mais encore une fois, j’apprécie les gens, internet c’est autre chose, libre à ces gens qui se sentent faire partie “de la communauté du net” de se déplacer sur les shows de catch en France pour nous rencontrer et ensuite continuer d’échanger via les réseaux sociaux. Et puis, sincèrement, je pense que mettre tous les jours sur Facebook, Twitter ou Instagram une photo de mes repas n’intéresserait pas grand monde.
Sinon, oui, évidemment, j’ai suivi les évènements récents, Wrestlemania, le Superstar ShakeUp qui a suivi. Cette année on a eu le droit à un beau Wrestlemania, qualité in-ring, émotions, vraiment agréable.”
A ce propos, seras-tu présent le 9 mai pour le show de la WWE à Lille ?
“Bien que le show se déroule à environ 15 minutes de chez moi, je ne ferai pas le déplacement.”
Après ton passage à NXT, je suppose que c’est une sensation étrange de voir des gens que tu as côtoyés participer à ce genre d’événements ?
“Ça fait des années au final que les gens qui étaient à la, feu, FCW en même temps que moi sont à l’affiche sur les plus gros évènements de la WWE. Rollins, Reigns, Ambrose, Woods, Big E, Sasha, Charlotte, Wyatt – pour ne citer qu’eux – tiennent la baraque depuis un moment. C’est sympa de voir Mojo Rawley commencer à se faire sa place et de voir que les arbitres qui officiaient à l’époque en Floride sont toujours sur le bateau. Il y a toujours une petite pensée qui va vers le “et si j’étais resté” mais pour rien au monde je n’échangerais ma vie actuelle avec la leur.
Cette année, la grosse satisfaction ça a été de voir Axel Tischer (Alexander Wolfe), Chris Hero (Kassius Ohno) et surtout Tommy End (Aleister Black) à NXT Takeover. Tommy a eu le droit à de super débuts, entrée spectaculaire, grosse victoire, et toute la hype autour. C’est réellement satisfaisant de le voir arriver à ce niveau là quand on le connait un peu. C’est une bête de travail, il m’a beaucoup conseillé quand je commençais et a toujours été bienveillant avec moi et d’autres comme Peter Fischer ou Tristan Archer. C’est lui qui m’avait dépossédé du titre poids lourd ICWA à l’époque, il a été la tête d’affiche des shows Révolution deux années de suite, ça a été un plaisir et un honneur de le côtoyer durant toutes ces années.”
Comme nous l’avons dit, tu te fais rare sur les réseaux sociaux mais aussi sur les rings. Comment expliquer que tu sois si peu présent alors que tu es une des valeurs les plus sûres du catch en France, notamment avec ton expérience américaine ?
“Je ne sais pas comment les gens, les “promoteurs” voient les choses. Si je dis, qu’effectivement, je pense être une des valeurs sûres, alors je suis prétentieux et ingérable… Et puis le talent pousse vite en France, aussi vite que les structures… Non plus sérieusement, je suis, en partie, moins présent parce que je refuse pas mal de date. Parfois ce sont mes prétentions salariales qui ne passent pas, parfois je n’ai simplement pas envie de bosser pour les gens qui me contactent. Il y a très peu de projets concrets en France, alors perdre mes journées et mettre ma santé en jeu pour des structures qui ne valent pas la peine ne m’intéresse plus. Le catch en France ne marche pas à l’élitisme ou la “méritocratie”, on essaie d’en faire un monde où tout le monde est beau, tout le monde est égal … Je n’adhère pas à ça. On me contacte, je refuse, on finit par ne plus me contacter et moi je ne réclame rien. C’est pas plus compliqué …”
Tu sembles un peu « blasé », rassures-nous, tu envisages quand-même de poursuivre ta carrière sur les rings de l’Hexagone ?
“Je ne suis pas blasé, au contraire, je vis avec la réalité des choses. D’un point de vue purement professionnel, c’est désolant et regrettable, mais, étant donné qu’on tend vers l’amateurisme, je vais paraître blasé et aigri. Ma carrière en France c’est un perpétuel “farewell tour”. Ca dure depuis des années, ceux qui me connaissent bien pourraient en témoigner. Je n’envisage pas de poursuivre ma carrière, je n’envisage pas d’arrêter ma carrière, elle poursuit son chemin et je me laisse surprendre par l’itinéraire qu’elle suit. Je ne sais jamais si le prochain arrêt n’est pas le terminus et comme je le disais, ce voyage, je ne l’ai pas payé, je suis un clandestin qui a fraudé et je le laisse porter tout au long du trajet. En d’autres termes, qui sait ?”
Vu de l’extérieur, le catch en France semble être un milieu très délétère. Ça contribue sans doute au manque d’évolution des structures. Toi qui le vis de l’intérieur, peux-tu nous en dire un peu plus ?
“Le problème, enfin, un des problèmes, on le ressasse depuis un long moment avec plusieurs personnes, c’est que beaucoup de structures n’existent aux yeux des gens qu’à travers leur promoteur. Très peu font en sorte de mettre les gars en avant. Des fois je me dis que c’est parce que les promoteurs ont peur que les catcheurs soient plus grands qu’eux ou que leur structure mais je ne peux le confirmer. À titre d’exemple, avec Peter Fischer, nous formons l’équipe des Artistes, nous avons eu un run sympa en Allemagne dans une des plus grandes structures européennes, la wXw.
On pourrait penser que, suite à ça, nous avons reçu pas mal d’offres concernant l’équipe, pas mal de propositions de booking … En deux ans, nous n’avons eu l’occasion de nous produire sous le nom des Artistes que deux fois en France. Deux fois ! Avec aucun réel projet derrière. La dernière fois c’était pour Révolution 8 à Maubeuge et depuis, même Booster, qui nous connaît assez bien, ne nous a plus utilisés. Pour moi, le problème est là, je vais parler de la ICWA pour justement que ça ne fasse pas “politique”, puisque pour beaucoup de gens je n’encense que cette dernière, mais le problème réside dans cet exemple. Booster nous connaît, il devrait nous faire confiance, mais au final il nous prive d’exposition en tant qu’équipe et se prive (ou la ICWA) de faire parler en nous utilisant. Après, il y a d’autres facteurs qui entrent en jeu par rapport à Peter et là encore c’est le problème de ne pas faire la part des choses entre le professionnel et le personnel.
Je suis sur les affiches de Révolution 9, Peter n’y est pas, rien que pour ça j’ai hésité à le faire. En France, les promoteurs laissent trop de place à leur égo, ils ne réfléchissent pas avec un cerveau de patron mais un cerveau d’enfant qui se rêve star du catch, ça ne peut pas avancer. Et c’est la même chose aux quatre coins de la France. Quand on entraîne des gars et que derrière on n’est pas capable de donner des shows pour que ceux là puissent se produire, il faut peut être penser à se retirer … Pour le coup, et reprendre la ICWA, le dernier élève à en être sorti et à avoir fait quelque chose, c’est Cormac Hamilton, s’il a fait quelque chose c’est parce qu’il a su s’entourer correctement. Peter l’a aidé depuis le premier jour et il continue d’essayer de le mettre en avant, c’est un échange notamment grâce à Art&Performance. Par contre, il se voit refuser beaucoup de booking, parce que quelques attardés mentaux ne veulent pas le booker “parce qu’il vient de la ICWA”… Voilà les grandes lignes du problème …”
Tu as l’air assez remonté, selon toi, est-ce que les choses peuvent évoluer positivement dans les mois ou années à venir ?
“Quand tout sera structuré, si ça arrive un jour, pourquoi pas. Ou si un millionnaire décide d’investir son argent là dedans, peut être … Sinon on continuera de danser cette danse sans sens et dont les pas nous sont finalement inconnus.”
Un dernier mot pour les fans de catch français ?
“Comme toujours, ne jugez pas le catch sur mes mots, faites le déplacement, profitez, encouragez, huez, rêvez. Venez échanger avec les gens qui se produisent. Laissez internet dans sa virtualité et venez avec nous dans une autre réalité, le temps d’un spectacle. Pour les gens du Nord, venez à Maubeuge pour Révolution 9, le 20 mai 2017. Enfin je dis les gens du Nord mais, où que vous soyez, venez.
Vous voyez, j’ai exprimé un mécontentement tout à l’heure mais au final je fais quand même la promo du show ICWA, parce qu’au final, la ICWA ce n’est pas Booster, c’est les catcheurs présents à chaque galas et les fans qui font le déplacement. Déplacez vous ! Et puis, aimez vous les uns les autres, non ?”
Vous pourrez également retrouver Lucas Di Leo ce mardi à partir de 21h30 dans notre émission Le Before Smackdown Live sur notre chaine Youtube où il répondra à toutes vos questions dans un Q&A.