Le week-end dernier, le règne de terreur du champion de PROGRESS Wrestling prenait fin de la plus abrupte des manières. Le messianique Pastor William Eaver avait “cash-in” son droit au championnat, suite à sa victoire des Natural Progression Series, suivant une défense difficile de Marty Scurll face à ‘The Anti-Hero’ Tommy End, le gagnant du Super Strong-Style 16 Tournament 2016. L’auto-proclamé “sauveur” du progrès avait surpris le tout-puissant et confiant “vilain” despote de la PROGRESS. Enragé d’une telle défaite dans une vidéo post-match, la jeune star du catch britannique y montrait une parfaite incarnation de son propre personnage de ‘Villain’.
En effet, encore seulement âgé de 27 ans, Marty Scurll reste sans doute le plus polyvalent et accompli des catcheurs britanniques de cette génération émergente de talents. Pourtant, parmi les Will Ospreay, Grado, Drew Galloway et Zack Sabre Jr., il est celui qui ne sort du lot qu’aujourd’hui, voguant aussi bien entre toutes les promotions européennes d’importance que les américaines EVOLVE et Pro-Wrestling Guerrilla. Enfin, en dépit de la fin d’un règne, l’heure du ‘Villain’ semble être arrivée ! Celle d’un catcheur trop sous-estimé, aux multiples talents et au parcours plus qu’atypique.
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Alors que la scène indépendante américaine continue sa rénovation progressive et positive dans la deuxième moitié des années 2000s, le milieu britannique tente une reconstruction difficile après deux décennies post-World of Sports en dents de scie. C’est durant cette période fouillis que se forme Marty Scurll, un jeune fan de catch prometteur. Aux côtés de Martin Stone ou encore Paul Robinson (son premier acolyte de soirées), il apparaît comme un catcheur solide et charismatique, sur lequel pourrait se focaliser le catch britannique. Agile et technique, il ne tarde pas à rencontrer ses premiers succès, notamment en compagnie d’un certain Zack Sabre Jr. Ensemble, les deux jeunes loups se font connaître sous le nom des Leaders of The New School – un présage involontaire des années à venir – et deviennent l’équipe la plus dominante sur le continent européen. Signant des records et des classiques (en particulier face à leur équivalent américain, Future Shock, regroupant Adam Cole & Kyle O’Reilly, à l’allemande Westside Xtreme Wrestling en 2011), leur avenir est annoncé plus que radieux. Une belle carrière paraît donc être définitivement lancée pour Marty Scurll.
Cependant, quoique sans animosité, l’écart se creuse entre les deux britanniques. “Rising star” de la wXw, ZSJ s’installe avec succès au Japon, devenant le “gaijin” (ou étranger) numéro 1 de la très prisée Pro-Wrestling NOAH, pendant que Marty reste seul en Angleterre. Émancipé de son duo à succès involontairement, il se mue en vieil adolescent déchaîné : ‘Party’ Marty Scurll est né. Vedette des soirées à thème de clubs chiques ou même coquins, le fêtard enthousiasmé se fait étonnement remarqué par la TNA, alors deuxième compagnie de catch au monde. Quatrième larron de la première saison de British Boot-Camp en 2013 (un simili-Tough Enough, mieux axé sur l’aspect télé-réalité et uniquement orienté sur les jeunes catcheurs britanniques afin de renforcer le lien avec le marché européen) et grand favori de la compétition fictive, il se retrouve néanmoins refoulé, au profit d’un brillant Rockstar Spud. Face à cette première défaite d’ampleur, ses fans locales se détournent de lui, préférant soutenir leur nouveau représentant plein de charisme sur le sol américain. La fête est finie, mais le fêtard reste tant bien que mal. De “party animal” déchainé, il se transforme en dégénéré, dédaigné par les fans : si ils ne veulent pas de lui comme leur héros, alors il sera l’obstacle, menace et bourreau des élus de leur cœur … il en sera le vilain.
“Soit on meurt en héros, soit on vit assez longtemps pour se voir endosser le rôle du … vilain”
En 2014, au centre du renouveau du catch britannique, ‘No More Party’ Marty Scurll décide alors de se forger une nouvelle réputation. Finies les démonstrations techniques ou les beuveries avec les fans, il est temps de changer de facette. Une facette plus profonde et plus complexe, qui prend forme suivant un modèle justement de comic books. Plutôt que le torturé Double-Face, Marty Scurll choisit de s’inspirer du mal-aimé Pingouin, le riche excentrique sans manières et sans vergogne comptant parmi les plus éminents super-vilains de l’univers de Batman. Affublé d’un manteau de fourrure, de lunettes noires et d’un parapluie (le tout accompagné d’une nouvelle coiffure et barbe), le pédant ‘Villain’ n’est pas aussi comique qu’il en a l’air. Établissant ses premiers actes de domination tyrannique à la RPW:UK, il se constitue un petit groupe de sbires – The Revolutionists – grâce auquel il s’arroge le titre de premier Triple Crown Champion – suite à ses gains successifs des titres poids-moyen, par équipe et poids-lourd – de la promotion. Les accomplissements qui lui avaient été promis près de 7 ans auparavant s’inscrivent finalement à son palmarès. Ce nouvel état d’esprit porte ses fruits !
Par la suite, le despote arrogant est même engagé comme animateur TV pour le “talk-show” catch, WrestleTalk TV de la chaîne nationale Challenge (diffusant la TNA et aujourd’hui un nouveau show de catch britannique NGW British Wrestling Weekly). Pendant ce temps sur le ring, il devient de plus en plus incontrôlable (comme vu récemment à la PROGRESS, plus haut). Colérique et imprévisible, il adopte un nouveau “finisher”, le Crossface Chicken-Wing – le même qui avait marqué le retour à la WWF/E d’un Bob Backlund chien fou, en 1994. Enfin, Marty Scurll se meut de plus en un calculateur et manipulateur hors-pair : dans une récente vignette vidéo de sa conception, il apparaît comme le successeur de l’abandonnée et oubliée gimmick d’avocat du Diable, brièvement incarnée par Sean O’Haire à la WWE.
La reconversion comportementale est donc remarquablement réussi pour le jeune mais expérimenté Marty Scurll. Qui plus est, outre son personnage réussi de ‘Villain’ issu de sa propre créativité, il ne cesse de prouver qu’il reste tout aussi bien à la hauteur de ses homologues tant acclamés et reconnus, comme Zack Sabre Jr. ou Will Ospreay. Rien qu’en 2016, Scurll a signé une dizaine de performances magistrales contre ces deux hommes ou encore Chris Hero, Tommy End, Timothy Thatcher, Kyle O’Reilly, etc. Après plus de dix ans de métier, l’étonnant Marty Scurll n’est plus à déconsidérer !