Suite au premier Pay-Per-View/Special Event mené conjointement (de manière fictive, tout du moins) par Shane & Stephanie McMahon, Extreme Rules 2016, la WWE s’est empressée de confirmer une énorme rumeur, latente depuis plusieurs mois jusqu’à aujourd’hui avec la révélation, grâce à NBC-Universal (groupe propriétaire d’USA Network, diffuseur câblé de RAW et SmackDown) un peu pressée, par Variety : en parallèle au déplacement de SmackDown du jeudi soir, au mardi soir en direct (un déménagement voulu depuis plusieurs années) dès le 19 juillet prochain, l’émission “bleue” aura son propre roster. L’établissement d’une “Brand Extension” (ou “Brand Split”, séparation des “brands”, selon si on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide) 2.0 est donc désormais bien en marche.
A ce que l’on sait pour le moment, le retour du WWE Draft – à l’instar de fédérations sportives, comme la NBA, où des joueurs changent d’équipe pour l’année à venir – déterminera les catcheurs du “main-roster” qui seront installés jusqu’à nouvel ordre à SmackDown, probablement via une bonne vieille loterie. Sans doute qu’avec cela, seuls les titres intermédiaires seront, eux, respectivement exclusifs aux deux shows ainsi séparés – le championnat Inter-Continental d’un côté, et le championnat des États-Unis de l’autre. En attendant d’en savoir plus, une rétrospective sur la version 1.0 s’impose ! Retour 14 ans avant notre “nouvelle ère” …
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2002, l’année du dernier “au revoir” à l’Attitude Era
En dépit de la défaite libératrice de l’alliance entre la WCW de Shane McMahon et l’ECW de Stephanie McMahon & Paul Heyman, face à la Team WWF sélectionnée par Vince McMahon, aux Survivor Series 2001, les affaires de contrôle et de pouvoir continuent de plus belle. Au lendemain du PPV, alors que Mr. McMahon semblait avoir rétabli l’ordre hiérarchique, ‘Nature Boy’ Ric Flair, de retour de la WCW (la vraie) après près de 9 ans d’absence, se révèle être le repreneur du 50% des parts détenues par l’alliance, devenant alors le copropriétaire de la WWF. Arnaqué une fois de plus, Vince McMahon va jusqu’à tenter quelques semaines plus tard de “détruire sa propre création”, en signant le trio anarchique initial de la nWo (Hulk Hogan, Scott Hall et Kevin Nash), lequel avait failli causer sa perte quelques années auparavant durant les Monday Night Wars. Face à cette guéguerre contre-productive, un fictif conseil d’administration de la future WWE décide ainsi de séparer les pouvoirs, selon la formation de deux structures chacune liée à l’un des deux émissions TV, RAW Is War ou Smackdown! (un show initialement – lors de sa création pour concurrencer WCW Thunder en 1999 – destiné exclusivement au catch féminin). Une semaine après WrestleMania X8, avec le premier WWE Draft, Ric Flair et Vince McMahon choisissent ainsi chacun 30 catcheurs du “main-roster”, pour construire deux rosters distincts et exclusifs – celui de RAW, dirigé par Flair, et celui de Smackdown!, dirigé par McMahon. Malgré tout, après plusieurs mois de cohabitation, Mr. McMahon reprend les pleins pouvoirs juste avant Vengeance 2002, nommant les tout-premiers General Managers (l’équivalent des WWF Commisionners de jadis, des figures d’autorité) : Stephanie McMahon à Smackdown! (en parallèle de son premier poste créatif, en interne) et Eric Bischoff, ex-dirigeant de la WCW et inventeur de Monday Nitro, à RAW. The Rock bientôt de retour à Hollywood pour continuer sa carrière filmique naissante, et ‘Stone Cold’ Steve Austin parti mécontent (à la CM Punk, en 2014), plus que jamais l’Attitude Era fait maintenant partie du passé.
RAW vs. Smackdown!, une compétition saine qui a ses limites
Ancrée dans une “storyline” purement fictive, cette grande mesure s’inscrit en effet dans un chamboulement profond pour la WWE. Adoptant une structure plus corporate après son passage en bourse en 1999, elle veut se re-focaliser sur le divertissement de grande ampleur – l’aspect télévisuel, privilégié dans les années 1990s, pouvant maintenant retourner au second plan. Avec un pool de talents monstrueux (Hulk Hogan, Triple H, Undertaker, Chris Jericho, Kurt Angle, Brock Lesnar, Booker T, Rob Van Dam et pour quelques temps ou sporadiquement, The Rock et Steve Austin), accumulés suite à la fin des Monday Night Wars, Vince McMahon décide, pour mieux rentabiliser tout cela, de former deux équipes itinérantes, augmentant le nombre de “house shows” de 200 à 350 par an. Les revenus augmentent significativement, la nouvelle formule marche. Mis en avant plus facilement, trop de top-stars ne cohabitant plus sur les mêmes ondes, de nouveaux visages émergent progressivement, alimentant des “storylines” écrites par deux équipes créatives séparées (et concurrentes, en réalité) et dont les combats sont commentés par deux duos de commentateurs exclusifs. Les audiences comparées de l’époque en témoignent : celles du “show bleu”, avec Paul Heyman aux commandes créatives, surpassent régulièrement celles de RAW. Au fur et à mesure, des titres de champions deviennent eux aussi réserver à leurs rosters (en 2008, chaque “brand” avait un titre majeur, un titre intermédiaire, un titre par équipe et un titre féminin) – l’égocentrique Triple H initie le mouvement en reprenant pour lui la “Big Gold Belt” de la WCW, créant le WWE World Heavyweight Championship (malgré la proposition de Vince McMahon de faire de l’Inter-Continental Championship déjà disponible, l’équivalent du WWE Championship installé à Smackdown! par Brock Lesnar) pour RAW. Le modèle économique #2 de la WWE (derrière celui des tournées), les Pay-Per-Views, changent lui aussi. Les “B-PPVs” entre ceux, “A-PPVs”, du “Big 4” (WrestleMania, SummerSlam, Royal Rumble et Survivor Series), ne présentent plus que les matches de RAW ou de Smackdown!. Là aussi, les chiffres s’en ressentent : alors que les “B-PPVs” engrangent environ 200 à 250.000 téléspectateurs payants, les “A-PPVs” (mêlant les catcheurs des deux shows) en attirent 300 à 500.000 en moyenne.
Dès 2004, d’abord de façon exceptionnelle puis annuelle, le WWE Draft est organisé, promouvant des stars montantes à de nouveaux postes dans l’équipe d’en face ou repositionnant des éléments moins épanouis dans un nouvel environnement – aussi bien fictif que réel, les deux rosters de catcheurs se rencontrant rarement. En 2006, le Draft profite simplement au troisième “brand” ajouté, celle de la malheureuse WWE ECW. L’année suivante, pour renforcer des ventes de PPVs de moins en moins satisfaisantes (ECW December To Dismember prouvant l’immense faiblesse et morosité du “Third Brand” avec 90.000 ventes seulement, pire score de l’histoire de la WWE), l’exclusivité des PPVs disparaît. Puis, en 2011, les top-stars venant à manquer (Shawn Michaels, Edge et Batista déjà partis, et Triple H, Undertaker ou encore Chris Jericho devenant petit à petit des “part-timers”), le “Brand Split” s’arrête, facilitant ainsi la présence de catcheurs plus populaires à certains “house shows”.
Pourquoi maintenant ? Est-ce la bonne chose à faire ?
“Le passage de SmackDown en direct va lui apporter un nouveau niveau d’intérêt et lui donner un côté événementiel chaque semaine“, a déclaré l’un des hauts exécutifs de NBC-Universal. Autrement dit, la double décision du direct et du roster exclusif pour SmackDown ne lui sera que bénéfique, voilà qui est certain. En outre, ce nouveau développement avantage autant l’émission que son diffuseur, USA Network – solidifiant ainsi ses liens avec la WWE sans non plus présenter la “même chose” d’un soir sur l’autre – et les contrats télévisuels qu’il entretient avec la WWE pour les prochaines années à venir – garantissant à cette dernière l’argent nécessaire pour subvenir aux frais de gestion de son Network. D’un autre côté, la teneur créative et la structure hiérarchique à laquelle les talents, bientôt partagés en deux groupes, appartiennent, risquent de ne pas en sortir gagnantes.
Certes, donner plus d’espace d’expressions à certaines stars en devenir peut les aider à monter en puissance, et ainsi faciliter leur transformation en futures top-stars. Néanmoins, qu’en sera-t-il du reste des rosters ? Probablement oscillant entre RAW et SmackDown, le titre de champion du Monde poids-lourd, celui de champions par équipe et de championne féminin auront bien du mal à se baser sur une liste solide et cohérente de challengers, difficilement reliés au champion de leur catégorie, car éparpillés entre deux hémisphères. A moins de trouver un moyen de les rendre exclusifs eux-aussi – privant chaque show d’un aspect important de la “mid-card”, quoi qu’il arrive – ces divisions vont en souffrir grandement. De plus, qui sera charger de gérer fictivement ces rosters ? Ou, à l’inverse, comment seront-ils gérer par le même duo de Shane & Stephanie McMahon ? Auquel cas, quel intérêt “kayfabe” reste-il comme raison de vivre à une telle “Brand Extension 2.0” ? Qui plus est, un deuxième “brand” n’existe-il pas déjà, avec NXT et son afflux de top-stars internationales ?
En conclusion, si en 2002, tout semblait pouvoir s’arranger et s’améliorer avec cette stratégie du “Brand Split”, rien ne dit de cette version 2.0 à venir, 14 ans plus tard …