Il y a quelques temps, un lecteur assidu m’avait posé la question suivante (sur ask.fm/Felixtaker) : “qu’est-ce qui fait le succès du catch britannique ?“. De cette question évasive mais non moins intéressante et importante découlaient deux autres interrogations : en quoi est-ce un “succès” et d’où provient-il ? Aussi, en manquait-il une bien loin d’être négligeable : qui sont celles et ceux qui ont, toutes proportions gardées, permis ce succès ? Car, de toute évidence, c’est de la représentation que nous en donnent ces individus que l’idée d’une réussite du catch britannique moderne fait surface. Ce sont ces catcheurs d’une nouvelle génération, bataillant sur le ring, qui nous permettent de constater, de statuer et d’illustrer la montée en puissance d’un royaume du monde du catch, au passé oublié et torturé. Des jeunes étoiles aux vétérans revenants, ils sont une poignée, de plus en plus convoitée, à faire ce nouveau succès du catch britannique.
Nature et origine d’une renaissance
Dans un premier temps, doit-on parler d’un réel succès du catch britannique ? Et est-ce un succès seulement britannique, ou plus largement du catch indépendant, ici situé en Grande-Bretagne ? Deux nuances qui, mine de rien, ont leur importance. Ce succès, d’abord, est de nature culturelle plus qu’autre chose. Depuis la mort du catch sur World of Sports (l’émission phare diffusée pendant 20 ans sur ITV, qui a permis de révéler Fit Finlay, William Regal, Robbie Brookside ou encore Johnny Saint) dans les années 1980s, le catch britannique (et européen, par extension, tant il n’existe chez ses voisins que la wXw allemande pour lui tenir tête) n’a jamais tellement compté sur la scène internationale. Il a fallu attendre 2011-2012 pour voir le début de cette ré-émergence actuelle, menée par des promotions comme l’écossaise révolutionnaire ICW (Insane Championship Wrestling), la PROGRESS, la RPW:UK (dérivée de la plus ancienne, IPW:UK) ou encore la plus intimiste PCW (Preston-City Wrestling). Outre la croissance et l’expansion progressive de ces promotions, incarnant ce “succès”, c’est surtout la nouvelle place que le milieu britannique occupe dans le monde du catch et son influence sur le circuit global qui importe aujourd’hui. Autrement dit, le catch britannique est aujourd’hui mieux considéré et réputé (à la fois, par les fans et les professionnels – promoteurs et talents) que le catch mexicain, par exemple, l’éternel #3 de l’industrie jusque là (de plus en plus en retard sur le catch américain et japonais, conservant à peine sa pertinence en ce moment, grâce à Lucha Underground). De plus, en terme de réel succès, ou succès tangible, ce n’est que depuis peu qu’on peut le constater véritablement : la PROGRESS investit de plus en plus de villes et s’installera bientôt dans une nouvelle “maison”, l’ICW ne cesse de grossir son agenda et s’arroge des grandes salles très connues, sans oublier la RPW et ses nombreuses alliances internationales (plus particulièrement, avec la NJPW).
Aussi faut-il considérer que la cause de ce succès ne vient pas tout à fait du catch britannique en soi, mais bien d’autre chose de plus complexe. Comme remarqué plus haut, ce “boom” anglais a commencé en 2011-2012 avec la croissance de promotions déjà établies (ICW, RPW-IPW, etc) et l’émergence de nouvelles, plus modernes en leurs sens (PROGRESS et PCW en tête). Et cela, d’une part, en suivant le “buzz” de la fameuse “pipebomb” de CM Punk en juin 2011 qui a suscité un engouement nouveau, corrélé, d’autre part, à l’apogée d’Internet 2.0 et des réseaux sociaux, rassemblant les fans du monde entier en un seul point – donc favorisant la formation d’une grande communauté, plus accessible, et donnant accès à des contenus et des produits jusque là invisibles aux yeux non-avertis. Un double-phénomène qui a permis la renaissance de la NJPW (bien aidé, dans le même temps, par une “booking team” mieux avisée auprès de jeunes talents de haut acabit) et l’expansion d’autres organisations, comme la Ring of Honor ou, dans notre cas, les promotions principales de Grande-Bretagne (sans compter sur les progrès et profits, certes différents de ceux des précédents booms, de la WWE elle-même). Mais ce succès global n’a pas été simplement interne, mais aussi externe : la preuve la plus exemplaire étant celle de l’influence et la réussite de fan-podcasts comme OSW Review et The Attitude Era Podcast (respectivement irlandais et anglais, soit dit en passant), s’implantant et pesant comme jamais.
Une nouvelle génération à la renommée internationale
Cependant, un tel succès actuel n’aurait jamais persisté sans l’aide d’une ribambelle de talents, jeunes et moins jeunes, exceptionnels. Le pôle anglais devenu plus accueillant, plusieurs stars internationales n’ont, au cours de ces dernières années, pas hésité à y séjourner entre deux contrats dans une “big league“. En 2014, alors licencié par la WWE, la ‘Next Big Thing’ rendue “jobber” comique, Drew Galloway, avait fait peau neuve en reprenant son trône à la tête de l’ICW, revenant avec une de ses promos qui marquent l’histoire du catch. Suivant son départ de la NJPW et avant de devenir Finn Balor à WWE NXT, Prince Devitt avait passé quelques mois sur ses terres natales, développant alors cet élan de créativité qu’on lui connaît aujourd’hui sous les traits de son “démon”. Puis, actuellement, c’est Zack Sabre Jr, l’ancien “gaijin” préférée de la Pro-Wrestling NOAH, qui a repris ses droits en Grande-Bretagne, et conquis les États-Unis au passage.
Enfin, en aucun cas une telle renaissance n’aurait su se pérenniser sans le soutien indéfectible d’une nouvelle génération florissante. Du psychopathique Jimmy Havoc au burlesque Grado, en passant par l’impressionnant jeunot Will Ospreay et la classieux professionnel Marty Scurll, tous contribuent en 2016 à maintenir ce “succès” moderne du catch britannique. Qu’ils soient des poids-lourds tels Dave Mastiff ou Rampage Brown, ou des voltigeurs comme Mark Andrews, El Ligero et le regretté Kris Travis (dont l’hommage a été unanime, dans le monde entier, illustrant bien cette nouvelle influence du catch britannique), ils ont tous comme point commun d’avoir suivi le même modèle. Celui des premières effervescences de la Ring of Honor, du temps où Samoa Joe et Low-Ki peignaient des chefs d’œuvres en compagnie de CM Punk et Colt Cabana. Celui des innovations à la pelle de la X-Division et ses héros, de Petey Williams à Christopher Daniels, en passant par AJ Styles. Voilà pourquoi, alors que la Ring of Honor semble se diriger dans la mauvaise direction (et que l’EVOLVE peine, tant bien que mal, à imposer son réalisme néo-“old-school”), cette nouvelle génération de catcheurs anglais, gallois, écossais ou irlandais constituent sans doute la vraie relève du catch indépendant actuel.